En tomates, le goût d’entreprendre En tomates, le goût d’entreprendre
Diversification de sa production, gestion du personnel… Anne-Laure Kerbrat ne cesse de se remettre en cause pour s’adapter et suivre la demande des consommateurs.
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Anne-Laure Kerbrat rêvait d’être éleveuse de porcs, elle est devenue productrice de tomates. À trente-cinq ans, la jeune femme est à la tête d’une exploitation maraîchère de 2,4 hectares de serres, à Taulé, dans le Finistère. Ses études agricoles la conduisent à se passionner pour l’élevage de porcs à la faveur d’un stage auprès de la famille Lannuzel, à Bourg-Blanc, qui lui a « transmis son goût pour cette production ». Après six années de salariat en porc, elle souhaite reprendre un élevage de 450 truies (naisseur-engraisseur). « Mon bilan financier démontrait que je m’endettais trop fortement, raconte-t-elle. J’ai préféré tout arrêter. »
Le choix du maraîchage
Anne-Laure le vit comme un échec et se résout à tourner la page. En 2011, elle décide de travailler comme salariée sur l’exploitation maraîchère de son conjoint, Gwénolé. Elle y apprend les rudiments de la production de tomate, une culture de précision : plantations, irrigation, chauffage, pollinisation, lutte biologique… Une production très technique, comme en porc.
Entrepreneuse dans l’âme, au bout de trois ans, la jeune femme passe à la vitesse supérieure. En décembre 2014, elle décide de reprendre la structure de son mari pendant que ce dernier s’associe avec son frère pour monter de nouvelles serres sur le même site. Chacun a sa structure, mais le matériel est commun, et ils font des achats groupés pour les fournitures.
À l’époque, sur les 24 000 m² de serres, Anne-Laure fait uniquement de la tomate en grappe. Les premières années passent. « Les résultats techniques étaient bons, mais pas le prix, alors que les coûts de production ne cessaient d’augmenter », explique-t-elle. Le marché est morose. De plus en plus de consommateurs se tournent vers des variétés anciennes et la tomate sous forme de petits fruits. Ils consomment moins de tomate en grappe, ou alors comme ingrédients dans des préparations.
« Il fallait que je me secoue », affirme la maraîchère au caractère bien trempé. En 2018, elle commence à diversifier ses variétés, en y consacrant 10 % de ses surfaces : 1 000 m² de tomates cocktail, 1 000 m² de tomates cerises cœur-de-pigeon et 400 m² de tomates cerises de différentes couleurs. Les résultats techniques sont corrects. L’année suivante, elle franchit donc le pas avec 10 000 m² de diversification. Cette année, elle a mis en culture 10 000 m² de cœur-de-pigeon et 6 000 m² de cocktail.
Deux fois plus de main-d’œuvre
Des décisions qui ne sont pas sans conséquence. « La diversification, c’est bien, mais c’est coûteux en heures travaillées. Il me faut deux fois plus de main-d’œuvre pour ramasser fruit par fruit des tomates cerises par rapport à la récolte d’une grappe de cinq fruits », lance Anne-Laure. Là encore, la productrice s’adapte et endosse sa casquette de responsable des ressources humaines.
« Au départ, je n’avais pas bien appréhendé cette évolution, poursuit-elle. Je voulais être partout. Je courais de tous côtés, de droite et de gauche. J’avais peur que le travail soit mal fait. »
Les résultats stagnent. Des soucis de santé lui ont fait revoir sa stratégie. L’exploitante apprend à déléguer : « Une fois que la personne me prouve que je peux lui faire confiance, c’est bon. » Elle nomme un chef de culture dédié à la gestion de la planteet un chef d’équipe qui manage le personnel. Ce dernier, Tom, salarié depuis quinze ans dans la structure, connaît tous les postes. Il est crédible et légitime auprès des autres salariés. « Il était hors de question de recruter une personne de l’extérieur pour ce travail », souligne-t-elle.
Être à l’écoute
Afin de fidéliser son personnel, Anne-Laure fait en sorte d’instaurer de bonnes conditions de travail : les horaires sont réguliers, de 8 h à 12 h et de 13 h à 17 h, une salle de pause a été aménagée, avec une terrasse pour l’été. Elle investit dans du matériel pour plus de confort de travail, notamment dans un chariot d’effeuillage. « J’essaie d’être très à l’écoute de mon personnel. En outre, il est important de garder une bonne réputation pour attirer des candidats », confie la maraîchère, qui avoue ne pas avoir de difficulté à recruter des salariés. « La structuration de la main-d’œuvre m’a apporté beaucoup de bien-être, dit-elle. J’ai vraiment l’impression de souffler. »
Isabelle Lejas
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